Laurent Bayly

Laurent Bayly

Démarche

Bien sur ma démarche est d’abord très personnelle, subjective. Chacune de mes photographies pourrait être un autoportrait ou une autobiographie. On pourrait tout aussi bien dire qu’elles sont des poèmes. Mais il ne m’appartient pas d’en dessiner les traits, les thèmes, les caractéristiques… Qu’elle parlent d’elles mêmes ou que d’autres les commentent !

Je peux aussi dire que toute ma photographie cherche à changer le regard. J’ai beaucoup photographié des lieux, où je vivais mais qui étaient aussi beaucoup abimés par les images qu’on en faisait. Je pense à la Côte d’Azur où j’ai commencé véritablement, ce golfe de Saint Tropez rendu vulgaire par le tourisme de masse, affadi par l’imagerie de carte postale. Je l’ai alors photographié radicalement en noir et blanc, hors saison ou très tôt le matin quand les fêtards se sont tus, quand le touriste dort encore… Aussi j’essaie de révéler d’autres agencements, des recompositions par le cadrage la lumière, ma saisie de l’instant de lieux familiers qui soudains peuvent devenir étranges au regard de ceux qui s’y meuvent au quotidien. Il s’agit de permettre d’interroger notre rapport à des univers quotidiens en en donnant à voir en particulier une dimension subjective et poétique.

Si l’on transpose à ce que je fais à Saint Martin et dans la Caraïbe (Guadeloupe, Sainte Lucie, Saint Barth, Tortola… ) on peut voir des points communs. Ici, photographes professionnels comme amateurs, touristes comme habitants de l’île, surtout ces derniers se retrouvent souvent prisonniers d’une imagerie banale qui, quand on y réfléchit, vulgarise Saint Martin en la faisant ressembler à n’importe quelle autre île tropicale tout aussi « paradisiaque » dans une sorte de plus petit dénominateur commun esthétique… Un « Youporn » de la photographie oserait t-on avancer. A y penser d’ailleurs, on pourrait aussi douter de l’efficacité de ces images en termes de promotion…Pourquoi venir particulièrement chez nous si c’est pareil ailleurs ? Le regard photographique d’auteur semble singulièrement absent, du moins noyé dans le flux des images ordinaires et stéréotypées, promotionnelles de Saint Martin comme de la Caraïbe à quelques exceptions près (la Martinique avec David Damoison, Jean Luc De Laguarigue, Cuba bien sur, La république Dominicaine et Haïti un peu). Souvent quand regard d’auteur il y a il est extérieur comme celui d’Alex Webb sur Haïti… sur Haïti d’ailleurs il est trop souvent lui de photoreporters avec la catastrophe comme paradigme…

Il faut finalement constater que l’image dans sa masse statistique, quantitative sur notre île est largement tributaire de stéréotypes touristiques et en vérité coloniaux. A parcourir les réseaux sociaux, la presse, les revues, livres et publications diverses on sort guère du paysage idyllique, plage de sable blanc et eau turquoise/ coucher de soleil et jeunes femmes au corps plus ou moins dénudé attendant le touriste comme jadis l’esclave, le maître, l’indigène le colon.

Ce que j’essaie c’est de donner à voir, notamment Saint Martin, à sa propre population par une approche humaniste, esthétique et poétique. Changer le regard par l’art, permettre à tous, local ou voyageur d’un développer un.

J’essaie de faire de même avec me dernières séries comme « fishes »ou photos come « Goat », natures mortes qui peuvent tout aussi bien renvoyer à la photographie animalière, comme « helmet » à celle de sport… un travail sur l’étang de Chevrise à sec, presque mort… S’entendre dire ce n’est pas Saint Martin ça et pourtant si…. change ton regard, crée le tient.

Biographie

Né en 1971 à Londres (Royaume Uni), Laurent Bayly est arrivé tard à la photographie malgré un parcours littéraire et artistique. Autodidacte, même s’il a pu pratiquer le dessin et la peinture un temps, il photographie depuis une quinzaine d’années. Son travail est largement marqué par les photographes humanistes français tels Henri Cartier Bresson ou Willy Ronis. Jusqu’en 2011, il photographie quasi exclusivement en argentique noir et blanc. Il passe à la photographie couleur et numérique à la faveur de son installation dans la Caraïbe, à Saint Martin. Son travail sur la couleur, la composition et même la matière révèle son tropisme vers la peinture. Son entrée à HMF, en 2015, semble aussi indiquer une volonté de se confronter à d’autres pratiques artistiques plus métissées.